Je ne pense pas non plus

Je ne pense pas non plus que nos grands seigneurs socialistes se condamneraient à revenir à l’état de nature recommandé par Méva. Vous ne connaissez pas Méva, sans doute, mais certainement vous le rencontrerez un jour. C’est uu [sic!] homme de cinquantè-deux ans environ, possédant la plus belle chevelure blonde et dorée qu’on puisse voir.

Il est tonjours vêtu d’une tunique de lin pendant l’été, de laine pendant l’hiver. Il a bien l’allure du Christ. Son vrai nom est Joseph Salomonson; c’est un ancien consul de Belgique.

Un beau jour — après une révélation, dit-il — il n’a plus mangé de viande, de poissons, ni même de légumes cuits. Il a vécu de légumes crus, de fruits, et n’a bu ni vin, ni eau. Et cela depuis des années. Jamais de vin, ce n’est pas extraordinaire, nombre de gens s’abstiennent de ce jus de la vigne, mais jamais d’eau!

Non! il ne boit rien, trouvant dans les légumes et fruits crus la boisson et la nourriture en même temps. “C’est exquis”, m’a-t-il dit, car je l’ai vu, j’ai causé avec lui.

Il n’est jamais malade et prétend que l’homme doit mourir de vieillesse et non de maladie. Il couche sur la terre nue et les émanations de la terre sont, affirme-t-il souverainement hygiéniques. Il marche pieds nus le plus souvent. Il va ainsi, vendant quelques brochures, où son système est expliqué; il a de la fortune et lorsqu’on l’arrête pour vagabondage, il montre des papiers en règle.

Je ne pense pas qu’il convertisse Millerand-Lucullus ni les autres spartiates gros et gras du collectivisme.

Tout de même, il rendrait des points aux Japonais; ces derniers boivent de l’eau et Méva a supprimé cet adjuvant comme inutile. A quand un autre homme nature qui supprimera toute nourriture, même les légumes crus. Ce jour-là Méva sera distancé.

Et le proverbe sera vrai une fois de plus: Un pur trouve toujours un plus pur qui l’épure, ou qu’il est pur, car je crois que l’un et l’autre se dit ou se disent!

Rastignac

Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire (Saint-Étienne), 61. Jahrg., 19. Juni 1905, Nr. 170. S. 1. Online