En 1902, l’archiduc Léopold, parent de l’empereur d’Autriche, renonçait à son rang, à ses titres et à ses dignités pour épouser une danseuse, Mlle Amadovic [sic!]. L’affaire fit quelque bruit et beaucoup de gens admirèrent le geste du prince qui abandonnait la Cour pour vivre selon son coeur avec la femme qu’il aimait.
Les débuts de leur union furent heureux, ils n’eurent donc pus d histoire. Le couple, sous le nom de Woelfling, vécut modestement en Suisse.
Mais, au bout de quelques mois, la jeune femme se mit a pratiquer avec une telle ardeur les doctrines végétariennes que chez nous, on l’eut immédiatement taxé d’aliénation mentale.
Les règles de ce régime sont, en effet, d’une extrême rigueur; elles sont pratiquées dans leur intégralité, dans certaines localités du Tessin, notamment à l’établissement d’Ascona. C’est la vie au soleil. Les fidèles portent comme vêtement un seul voile indispensable, ne se nourrissent
que de racines et de fruits crus, que de laitage et d’oeufs. La viande est rigoureusement proscrite. L’ordinaire est agrémenté de temps en temps d’un morceau de pain sec.
L’ex-archiduc n’avait pas été préparé par son éducation impériale a cette vie d’ermite. Il estima aussi que sa femme s’était un peu trop libérée des
habitudes d’élégance auxquelles le sexe faible doit ses plus éclatants triomphes.
Aussi s’en fut-il conter sa peine a un avocat, afin de se séparer d’une compagne qui voulait l’obliger a ronger des racines, et à s’en aller par la campagne, vêtu d’un mouchoir de poche.
Mais l’avocat, sceptique, conseilla tout simplement a son impérial client d’aller promener sur la riviera sa mélancolie et son désappointement.
L’amour, qui avait brisé tous les obstacles, n’a pas pu résister au régime végétarien.
Le Courrier du soir (Paris), 29. Jahrg., 29. Dezember 1906, Nr. 8383, S. 2. Online