L’apôtre du Végétarisme

Je l’ai rencontré, ces jours-ci, dans Paris, ou je le prenais pour un échappé de quelque bal des Quat’z-Arts. Mais c’est plutôt un sage, un Hollandais, dont le véritable nom est Salomandon [sic!], et qui fut jadis consul en Belgique, puis négociant aux Iles de la Sonde.

C’est là qu’il comprit que l’humanité faisait fausse route et que le bonheur était dans la simplicité.

Il abandonna sa place et vécut, désormais, très près de la nature, très satisfait, affirme-t-il, en dépensant, pour sa subsistance totale, ce qu’il dépensait autrefois rien que pour ses cigares.

Les végétaux lui suffisent en tout. Il ne boit pas: il trouve, dans les plantes, un jus qui étanche la soif. Il affirme n’avoir pas bu depuis quatre ou cinq ans. 11 vend une petite brochure sur laquelle se trouve ces conseils:

“Prenez votre nourriture du règne végétal, tout ce que vous jugez bon et agréable. Suivez autant que possible les saisons et mangez de préférence ce qui peut croître dans le climat où vous vivez; les fruits et les noix peuvent être les aliments principaux; mangez si possible cru et mûr, et si vous cuisinez, retenez les sels et le jus d’ans la nourriture (vapeur). Ces produits végétaux de la terre étant votre nourriture sont votre médecin. N’usez comme nourriture d’aucun produit du règne minéral, donc pas de sel: le sel est le diable.”

Sa vie simple ne l’empêche pas d’être un lettré, un dilettante; il adore la musique; est allé plusieurs fois à Bayreuth, se délecte à l’audition des poètes.

Bien entendu, il ignore la politique.

Le Journal du Dimanche (Paris), 60. Jahrg., 1. Juli 1906, Nr. 3395, S. 404. Online